NOUREEV (R.)

NOUREEV (R.)

NOUREEV Rudolf (1938-1993)

Par ses qualités exceptionnelles d’interprète mais aussi par l’écho retentissant de sa rupture avec l’U.R.S.S., Noureev est devenu le danseur le plus célèbre de la seconde moitié du XX^e siècle.

De famille tatare et musulmane, Rudolf Gametovitch Noureev est né dans un train, près du lac Baïkal, le 17 mars 1938. Pendant la guerre, réfugié à Oufa, il découvre dans cette ville sa vocation de danseur en assistant à un spectacle de ballet, Le Chant des cigognes , en 1943.

Attiré par la danse folklorique, il suit les cours d’une ancienne danseuse de la compagnie Diaghilev: Udeltsova. Malgré l’interdiction paternelle, il parvient à s’intégrer à un groupe qui présente des spectacles de danses et de chansons populaires. À quinze ans, il remplace un danseur de l’Opéra dans Le Bal polonais . Il danse à Moscou: Assaf Messerer le remarque et lui propose d’entrer à l’École du Bolchoï, mais il préfère Leningrad. En août 1955, il entre à l’école Vaganova et il y rencontre le professeur qui forma les meilleurs danseurs de sa génération: Alexandre Pouchkine. Au théâtre Kirov de Leningrad, Natalia Doudinskaïa le choisit pour partenaire dans Laurencia . Pendant trois ans, il apprend les rôles du répertoire: Giselle , Le Casse-Noisette , Le Lac des cygnes , La Bayadère , et c’est dans le troisième acte de ce dernier ballet qu’il apparaît sur la scène de l’Opéra de Paris, en 1961. Il danse aussi l’“oiseau bleu” dans La Belle au bois dormant . Le public est conquis. Il prend contact avec les danseurs français et, rappelé à Moscou pour une représentation exceptionnelle au Kremlin, il choisit de rester en France.

Dès lors, sa carrière est fulgurante: intégré à la troupe du marquis de Cuevas, il danse avec Nina Vyroubova La Belle au bois dormant dans la version de Bronislava Nijinska, puis il conquiert l’Allemagne avec le deuxième acte de Giselle et les pas de deux du Don Quichotte et du Corsaire .

Erik Bruhn lui enseigne le style de l’école danoise. Il monte avec lui un spectacle au Théâtre des Champs-Élysées et danse La Fête des fleurs à Genzano , un ballet d’Antoine Bournonville. À Londres, Frederick Ashton règle pour lui un solo, Poème tragique , sur une musique d’Aleksandr Skriabine, et Ninette de Valois l’invite au Royal Ballet où il va danser Giselle avec Margot Fonteyn, prima ballerina . À la fin de 1962, il est demandé partout, en Europe, en Amérique, et il danse avec frénésie, tourne Le Jeune Homme et la Mort avec Zizi Jeanmaire... Aucun style ne saurait lui être étranger: il est l’interprète de Roland Petit au Royal Ballet, celui de Paul Taylor, de Maurice Béjart dans Le Chant du compagnon errant , celui de Glen Tetley, mais il dansera également Le Fils prodigue de George Balanchine et les ballets de Martha Graham. “Je crois, dit-il, avoir brisé les barrières entre la danse classique et la danse moderne.”

Margot Fonteyn, Yvette Chauviré, Marcia Haydée, Éva Evdokimova, Maina Gielgud, Noëlla Pontois, Lynn Seymour, Natalia Makarova, Carla Fracci, Carolyn Carlson, Dominique Kalfouni: les plus remarquables ballerines de ce temps sont ses partenaires. En 1974, il monte Noureev & Friends , un spectacle où il invite des danseurs français.

La reprise des ballets du répertoire est chaque fois pour lui l’occasion d’une réinterprétation. “Dans ses mémoires, rapporte-t-il, Petipa a dit qu’il n’espérait pas que ses ballets survivraient intacts, mais que seulement on mentionnerait son nom.” Fort de ce témoignage, Noureev donne à ces œuvres une touche personnelle quelquefois confuse. Ses propres créations, Manfred en 1979 et La Tempête en 1982, dénotent un tempérament romantique, un goût pour le pathétique et pour l’emphase chorégraphique.

Son activité ne se borne pas au théâtre. Il tourne plusieurs films: An Evening with the Royal Ballet , Roméo et Juliette , Le Lac des cygnes , Le Jeune Homme et la Mort , I Am a Dancer , Don Quichotte et Valentino .

En 1983, Jack Lang le nomme directeur du Ballet de l’Opéra, et c’est une étape nouvelle. Sa présence stimule une compagnie qui dispose d’éléments brillants, telle Sylvie Guillem qu’il nomme danseuse étoile en 1984. Il invite des compagnies étrangères comme celle de Martha Graham, rend hommage à des créateurs tels qu’Antony Tudor et fait appel à de jeunes chorégraphes. Mais l’Opéra Garnier est aussi secoué par des tempêtes: brouille avec Maurice Béjart, départ de Sylvie Guillem. En 1989, le contrat de Noureev n’est pas renouvelé.

Ses dernières années ont été marquées par la découverte de la danse baroque. Retournant à la source du classicisme, il règle Bach Suite en 1984, en collaboration avec Francine Lancelot. Noureev a réalisé tout ce à quoi il aspirait, mais il s’épuise, sans renoncer à la scène pour autant. En 1989, il triomphe aux États-Unis dans une comédie musicale: The King and I , mais son apparition en Italie comme chef d’orchestre est jugée sévèrement.

Touché par le sida, il s’éteint à Paris le 6 janvier 1993, deux mois après avoir monté La Bayadère , à l’Opéra de Paris. Reste l’image d’un interprète hors pair que l’impulsion poussait vers des mouvements généreux et larges. “La danse, disait-il, se perpétue par immolation.” Il s’est donné lui-même tout entier.

Encyclopédie Universelle. 2012.